une vie de chat

Chata5.jpg

Amis des animaux, bonsoir. 

Chatastrophe est bien arrivée au paradis des chats, après un séjour terrestre de plus de 19 ans entièrement vécu à la Pitrerie. Le vétérinaire Bagnoud qui lui répara une patte cassée quand elle avait deux ans et demi, fut le même à préparer son dernier instant en ma compagnie, après l'avoir maintenue en pleine forme jusqu'aux tout derniers jours avec son allopathie : car cette affreuse maladie des reins qui emporte chiens et chats, la menaçait serré depuis longtemps... le moment, pour l'euthanasie, fut facile à choisir quand Chatastrophe devint toute chaplapla, à peine plaintive (comme elle n'était jamais), avec un taux d'urée sans espoir de retour.

Pour l'euthanasie d'animaux, on ne peut se référer au désir du patient – on doit évaluer de son propre chef que c'est la fin. Après une vie aussi enviable que celle de mes chattes, qui m'ont inspiré à elles quatre plus de 22 ans d'admiration et beaucoup d'amour réciproque (depuis Kagemusha), pourquoi devraient-elles donc mourir dans les spasmes, vomissements et douleurs ? Tchernobyl expira dans un dernier ronronnement, elle la noire et blanche qui fut ma meilleure chaplice dans les pires deuils.

Comme humains, nous avons paraît-il le privilège de nous savoir mortels (cette exclusivité peut être mise en doute, ne tergiversons pas là-dessus). Par contre, nous avons inventé le "suicide assisté" afin de se servir aussi bien que nos animaux préférés. L'altruisme et l'égoïsme se retrouvent sur le même terrain. Existe-t-il encore des pays où le suicide est un crime ?... sûrement, car le tabou de l'homicide pèse son poids, non sans raison.

Un jour viendra où tuer un animal sera considéré comme aussi criminel que tuer un humain.

Qui a bien pu dire ça ?... Leonardo da Vinci, dont je répète toujours aussi chaque chat est un chef d'oeuvre, et qu'il vécut entre 1452 et 1519 (67 ans, si je calcule bien), un demi-millénaire avant nous !... quand on pense aux crimes que l'humanité commet chaque jour (impunément, du moins le croit-elle) envers les animaux, on se demande si dame Culture se fait bien entendre – jusqu'au moment où on se rend compte que l'humanité se maltraite elle-même, dans des proportions comparables en nombre et en sauvagerie. On appelait ça "civilisation".

Les chats ne travaillent pas – et ça se voit !

Et l'expression dès potron-minet, alors ?... elle raconte que le chat se lève tôt et en partant chasser, nous montre son cul (le potron du minet). Mieux que le Suisse qui, selon feu Delamuraz, "se lève tôt, mais se réveille tard". Jusqu'à un certain âge de chattes, j'ai pu régler ainsi mon horloge d'aube, la chattière claquait pile au premier soleil. Ça gagne peu mais ça nourrit bien, et c'est moins stressant que faire trader dans la City. L'apport humain à cette sérénité générale, ponctuée de ruts, portées et autres aventures, plus quelques promenades dans la forêt avec maître Pitre, c'est la retraite. Les chiens et chats (domestiques) ont droit à la retraite, au confort, à la sécurité et aux soins, après leur jeune vie aventureuse : pourquoi pas tous, pourquoi pas vous !?... 

Si le problème mondial n'était qu'économique, l'humanité entière pourrait vivre (pas seulement survivre) avec le même budget que mes chats – "façon de parler",  comme je dis à Loré quand ma métaphore est un peu trop poussée. Vous aurez deviné que le problème "économique" réside dans la répartition, entre chiens, chats et autres espèces vivantes, des bienfaits de la planète plus-ou-moins cultivée. Qui fait le gâteau, qui tient le couteau comme répète Bernard Maris l'éconoclaste. Et aussi de comment on la cultive, cette Terre, pour abriter et nourrir nos chats, nos chiens et nos tribus... auxquelles viendront sûrement s'ajouter quelques bestioles "domestiques" – mais gaffe, respect, réfléchir avant d'agir cette fois !

Dans l'auto aux enfants j'ai expliqué que le paradis des chats était aussi celui des souris, car ils n'ont pas besoin de courir les uns après les autres. "Alors c'est aussi le paradis des chiens" a dit Nonem, "ils ne sont pas obligés de courir après les chats !"... tout juste, jeune homme : on m'a raconté que la Bible autant que Marx contiennent des rêves pareils, mais à y bien songer... arrivant à l'école de cirque, on décida de reprendre la philosophie ultérieurement.

Chatastrophe avait appris de sa mère Gwendolyn à me griffer le nez dans mon sommeil. Il n'y a pas que ça qui me manquera, de cette petite chose poilue gambadant joyeusement chaque matin (encore l'autre jour), ou restant paresseusement au lit, museau dans un mélange de queue et pattes… les ambassadeurs de l'animalité qui vivent avec nous, si proches qu'un amour réciproque se développe, ont bien du boulot à nous rendre moins cons. Qui dit que les chats ne travaillent pas ?!

Ne soyez pas tristes !... nous enjoignait Christian Hunziker (1926-1991) avant de mourir de mort naturelle. Plus de vingt ans après, pleurant ma petite bête qui ne gratte pas à la porte, je comprends mieux cette drôle de phrase. D'ailleurs, s'il existe un paradis des architectes, Christian y est bien arrivé aussi, je n'en doute pas !

Pour conclure : La solution de Spinoza.

Dieu est la nature. On ne peut adresser de prières au Dieu de Sninoza. Pas besoin de craindre ce Dieu, car il ne punit jamais. Pas besoin de travailler dur dans l'espoir de s'attirer ses bonnes grâces, aucune récompense ne viendra. La seule chose qu'on doit redouter, c'est notre propre comportement. Quand on ne parvient pas à être bienveillant envers les autres, on se punit soi-même, ici et maintenant. Quand on aime les autres on a de bonnes chances de les trouver, ici et maintenant (interprétation d'Antonio R. Damasio).

Pas mal, pour un 1632-77, non ?...

Pardon pour ce long message, mais Chatastrophe valait bien une humble homélie…….

Bonne nuit – et youpi quand même !

Guy

Domaine la Pitrerie, le 30 novembre 2011.